Le président de la commission électorale Nationale Indépendante fait une déclaration lors d’une conférence de presse sur la crise que vit l’institution.
Pour préserver absolument la CENI des tumultes politiques
Mesdames et Messieurs les journalistes !
Je vous remercie de vous être déplacé aussi nombreux ce matin à la CENI !
Depuis notre dernière plénière des Commissaires tenue ici même, à la CENI, le 24 août dernier où après avoir constaté :
Que le processus législatif concernant la révision du Code électoral, est allé à son terme.
Que le décret de promulgation a été pris par le président du FASO
Nous avons exposé aux commissaires la feuille de route qui devrait nous conduire à la révision du fichier électoral, à la tenue du référendum constitutionnel qui je le rappel était envisagé pour le 24 mars 2019. C’est juste une date, que le décret devrait venir statufier.
Enfin, le dernier point de la feuille de route, engager les préparatifs pour la participation des Burkinabè de l’étranger aux votes de 2020.
Avec ce chronogramme, j’ai indiqué à la plénière que conformément aux différentes délibérations de nos précédentes plénières sur le nouveau mode d’enrôlement des électeurs, j’allais engager la construction de la Plateforme multicanal que nous projetions réceptionner le 30 octobre 2018, pour que dès la mi-novembre 2018, si les décrets nécessaires sont adoptés, nous puissions procéder à la révision du fichier électoral.
C’est dès cet instant que la cabale, contre la CENI, dans un premier temps, puis contre ma personne a commencé.
Le mémorandum des commissaires de l’opposition invitant « le président de la CENI à se ressaisir », avait déjà été prononcé dans les mêmes termes par la conférence de presse de l’UPC qui m’avait affublé de « danger pour la démocratie ».
Ce mémorandum des commissaires de l’Opposition vient donner un supplément de fondements aux ragots sur les réseaux sociaux où il avait été dit que plusieurs DAF auraient démissionné à la CENI, parce que le président Newton Ahmed BARRY aurait, à leur insu, « donné plusieurs marchés de gré à gré à des prestataires ».
Ce serait la raison de la démission du Directeur des marchés publics également. La calomnie ne s’embarrasse pas de la vraisemblance ; elle fait dans l’outrance, puisque, dans le Burkina d’aujourd’hui, la dignité et l’intégrité ont disparu sur l’autel des cupidités. Je dis que la calomnie ne s’embarrasse pas de vraisemblance, puisque, toute personne qui a minimum de connaissance du fonctionnement des règles de la dépense publique, sait qu’un ordonnateur ne peut pas « octroyer un marché » à l’insu du DAF et du DMP. Mais comme disait, Charles Pasqua, en matière politique, il faut calomnier le plus possible, il en restera quelque chose.
Les commissaires de l’Opposition qui ont inspiré ces ragots, quand ils ont su que c’était un coup d’épée dans l’eau, cette première salve d’immondices, se sont résolus, à assurer eux-mêmes le service après-vente de leur calomnie. Souiller le président Newton Ahmed BARRY, pour qu’il regrette d’avoir tenu tête, dans la vérité, au président de l’UPC, au moment des discussions sur la révision du Code électoral.
Voilà un de ses passages symptomatiques : au cours des échanges devant le président du Faso, j’aurai eu l’outrecuidance de répondre à Monsieur Zéphirin Diabré, qui me demandait de combiner le recensement électoral et la plateforme technique en l’opérationnalisant au niveau des communes urbaines uniquement, « que je n’avais pas réfléchi à cette question et que je ne pouvais pas dire dans l’immédiat si je pouvais le faire, puisque je n’y ai pas réfléchi ». Si donc, je dois ramper devant le président du CFOP, Monsieur Diabré Zéphirin, qui n’est pas encore au pouvoir, que dois-je faire devant Roch Marc Christian Kaboré, président du Faso, m’étaler de toute ma longueur et me couvrir de poussière ?
Voilà un aperçu des immondices sous lesquels on voudrait ensevelir mon honneur et à ma dignité, pour espérer discréditer les reformes que je propose de conduire pour prévenir notre processus électoral des dangers post électoraux graves qui le menacent, si rien n’est fait dès à présent.
Je ne suis pas buté, je n’impose rien, j’explique et j’argumente toutes les propositions contenues dans les reformes. Cela, je le fais dans les instances statutaires de la CENI au niveau des plénières des commissaires et des réunions hebdomadaires du bureau permanent.
Les procès-verbaux de ces différentes délibérations sont là, produits du reste par les commissaires de l’opposition. Ils attestent les différentes discussions autour des reformes que nous mettons en œuvre.
Comme on dit, « le verbal s’envole et l’écrit demeure ». Ces textes sont-là, j’invite tous les journalistes d’investigation à venir les éplucher et à témoigner pour l’avenir.
Mais de ces ragots et de ces immondices, les allégations sur la mal gouvernance financière du président de la CENI constituent le point inacceptable.
Parce que l’intégrité pour moi est la ligne rouge.
L’intégrité du président une ligne rouge
Comme la femme de César, le président de la CENI, en matière de gestion des ressources financières, doit être irréprochable. Si je vole de l’argent pour moi, cela voudrait dire qu’en situation de délibération des élections je peux aussi voler des élections pour attribuer à X ou Y en fonction de ce que l’un ou l’autre m’offrirait.
Cette accusation ouverte et sibylline doit faire l’objet de contrôle par les instances habilitées. Si, il s’avère que j’ai d’une façon ou d’une autre manœuvré pour donner un marché à un proche ou un copain dans le but de recevoir des rétributions occultes, je deviens automatiquement indigne à diriger la CENI et j’en tirerais les conséquences en demandant à la Communauté musulmane de bien vouloir procéder à mon remplacement.
J’ai tous les défauts, mais Dieu m’a fait grâce de ne pas y ajouter la cupidité et le matérialisme.
C’est pour cela, devant les allégations de démission des DAF et du DMP parce que le président les aurait forcé la main pour passer des marchés de gré à gré, j’ai pris la décision par lettre d’inviter instamment la Cour des Comptes, instituée par le Code électoral en son article 4 du pouvoir de contrôle des comptes financiers de la CENI, de venir investiguer et statuer sur le fondement des accusations alléguées. Une telle diligence va restaurer l’autorité morale nécessaire à l’arbitrage impartiale du vote des Burkinabè. Cette même lettre invite a été adressée à l’ASCE/LC.
Si j’étais âpre au gain, de par la position que j’occupe, comme président de la CENI, je n’ai pas besoin de bidouiller quelques petits marchés d’une centaine de millions f CFA pour soutirer des subsides.
Depuis deux ans que je suis à la tête de la CENI, avec ces facilités que me procure ma position, j’ai dynamisé la mutuelle des travailleurs de la CENI, pour assurer à 329 personnes, les travailleurs, leurs conjoints et leurs enfants, une assurance maladie à 100%.
Depuis deux ans, quand un travailleur de la CENI tombe malade, il n’a pas à se préoccuper d’avoir de l’argent en poche. Il lui suffit de se débrouiller pour atteindre le centre de santé de son choix, même les cliniques huppées de Ouaga, il est pris en charge gratuitement. Cela vaut pour tout le personnel, du planton au commissaire.
Chaque année je réunis une cinquantaine de millions pour assurer cette assurance maladie à tous.
Ces ressources ne viennent pas du budget de l’Etat, j’y ai accès de par ma position. Si j’étais le cupide que le mémorandum des commissaires de l’opposition décrit, j’aurai pu, de façon tout à fait licite, utiliser ces ressources, bon gré malgré, une bonne centaine de millions depuis deux ans, à mon seul profit.
Moi j’ai un seul prix, il est inatteignable, la dignité et l’intégrité.
Chers compatriotes
Mesdames et Messieurs
Les luttes multiformes de notre peuple ont abouti à la création de la CENI depuis 1998. J’y ai modestement contribué, comme vous le savez auprès d’autres patriotes et démocrates, sans jamais rien demander. J’ai même démissionné de mon poste de fonctionnaire de l’Etat, pour me consacrer à cette lutte. De ces différentes luttes est née la CENI, un instrument robuste, indépendant et impartial pour gérer tout le processus électoral dans notre pays.
Depuis cette date, sous l’impulsion des démocrates et patriotes burkinabè, elle n’a cessé de s’améliorer pour offrir des élections chaque jour plus honnêtes reflétant la volonté des burkinabè.
Ce que nous avons entrepris avec les réformes structurelles au niveau de la constitution et de la gestion du fichier électoral entre en droite ligne de ce constant souci d’améliorer l’ingénierie électorale pour que le vote reflète effectivement, en tout temps et en tout lieu, la volonté des Burkinabè.
Les élections commencent par le fichier électoral. Il doit refléter l’état réel de la population. Le problème de notre processus électoral aujourd’hui, c’est que le fichier ne reflète pas l’état de la population.
Depuis 2012, le fichier électoral peine à dépasser 5 millions d’électeurs. Or toutes les informations qui font autorité, notamment celles de l’INSD, estiment que le Burkina devrait avoir un corps électoral d’au moins 9 millions.
Pourquoi malgré les opérations successives d’enrôlement de 2012, 2014 et 2015 le fichier électoral reste toujours squelettique, loin de réunir le maximum des électeurs qui devraient y figurer.
Notre diagnostic, confirmé par les avis avisés, est que le système actuel d’enrôlement des électeurs n’est pas bon. La manière de procéder pour enrôler n’est pas efficiente. Elle ne permet pas de toucher les niches où se trouve le gros des personnes à enrôler.
Les élections roue libre !
Si nous continuons avec ce système d’enrôlement des électeurs, nous mettons, à terme, la démocratie en danger. Un fichier squelettique et non intègre puisqu’il renferme et accumule des morts que le procédé d’enrôlement ne permet pas de soustraire.
Ainsi donc, pour les choix importants pour la nation comme l’élection du président du Faso, seulement 2 millions d’électeurs en réalité choisissent pour plus de 18 millions d’âmes. Une telle situation est structurellement grosse de danger pour toutes les équipes qui arrivent en responsabilité. Elles ne reposent pas sur un matelas de légitimité qui lui permet d’amortir les chocs des contestations « du troisième tour » électoral. Cette situation pourrait connaître un déséquilibre pervers avec l’entrée en vigueur du « collège électoral » de la diaspora.
Si rien ne change, le choix démocratique va être dévoyé à court terme. Les élections vont être discréditées. Le processus agira dès lors comme une roue libre. A intervalle, les élections, pour rien, vont être organisées.
Nous sommes donc en train d’instituer structurellement « des insurrections post-électorales ». Les partis politiques sont soucieux de gagner les élections et d’arriver au pouvoir. Notre légitime préoccupation est d’organiser des élections qui assurent la paix.
Un procédé gouffre de ressources financières !
En plus d’être inefficient, le procédé actuel coûte trop cher. L’opération seule d’enrôlement des électeurs coûte 9 milliards.
Avec la diaspora, il faut prévoir autour de 15 milliards, désormais.
Sur un cycle électoral, seulement pour la révision du fichier électoral, il faudra 30 milliards au minimum. Dans un pays où les hôpitaux ne peuvent pas s’équiper de simples appareils de dialyse à moins d’un milliard, perpétrer ce gaspillage est un crime monstrueux contre le peuple.
Déterminé mais pas butté !
Il est impossible de continuer longtemps avec le système actuel d’enrôlement des électeurs. C’est pourquoi, les réflexions que nous avons collégialement conduit au niveau de la CENI de décembre 2016 à février 2018, avec l’appui de l’OIF ont abouti à un procédé nouveau qui abandonne le recensement électoral pour adosser le fichier électoral sur la base de données de la carte d’identité nationale (CNIB).
Avec ce procédé, les niches inatteignables par les brefs déploiements sur le terrain, devront être touchées. Le nombre d’électeurs va être plus conforme à l’état de la population.
Le fichier électoral sera intègre et en ce moment le taux de participation va être un baromètre crédible de l’adhésion du peuple et de la forte légitimité des mandats.
Le nouveau système proposé préserve l’obligation du « consentement préalable » avant de figurer sur le fichier électoral. En effet, dans notre système électoral, le vote demeure libre. En conséquence, l’inscription sur le fichier électoral est aussi libre et volontaire. C’est pour satisfaire à cette obligation constitutionnelle, que le nouveau procédé intègre « une plateforme technique d’interaction » avec les personnes susceptibles de figurer sur le fichier électoral.
C’est un procédé qui exploite les nouvelles technologies de la communication et qui l’adapte aux divers publics qui pourraient être concernés.
Toutes les études et les évaluations à ce jour, avec ce nouveau procédé, ramène le coût de l’enrôlement autour de l, 5 milliards y compris avec la diaspora. Au lieu des 15 milliards évoqués plus haut, si avec l’ancien procédé on devrait enrôler la diaspora.
Mais le plus important, dans la nouvelle formule que nous proposons, c’est qu’à court terme, avec ce système, l’enrôlement devrait se faire sur le fil et ne devrait plus rien coûter à l’Etat.
Mais nous sommes conscients qu’il faut l’adhésion de l’ensemble des acteurs politiques pour légitimer le système.
L’ambiance actuelle, déjà délétère depuis les discussions qui ont précédé la révision du code électoral, ne semble pas permettre la mise en œuvre de la réforme.
Avec les acteurs traditionnels, le débat est devenu difficile, car toutes les initiatives sont arrivées à un point de blocage. Disons de rupture.
La stratégie de refus d’accepter la loi votée a mué en blocage de la CENI par une partie de la classe politique. Cette farouche détermination ne s’embarrasse plus du respect de l’esprit républicain.
Les acteurs du dehors vont jusqu’à pousser une partie des commissaires à violer leur serment.
Les contradictions politiques des acteurs peuvent être violentes. Elles le sont d’ailleurs, le plus souvent. Mais faut-il aller jusqu’à détruire les institutions pour assouvir des desseins ?
Il faut préserver la CENI.
C’est pourquoi depuis les polémiques autour de la révision du Code électoral, sur les documents de votation et le mode révision du fichier électoral, malgré les nombreuses sollicitations, j’ai refusé de prendre la parole publiquement, pour ne pas exposer la CENI.
Par contre, dans des instances habilitées, chaque fois que notre éclairage était sollicité, nous le faisions dans le strict respect de la vérité et de l’intérêt des élections. Nous sommes allés chaque fois à ces rendez-vous avec les deux vice-présidents de la CENI : un de la majorité, un de l’opposition. Cela montre notre constant souci d’inclusion et de collégialité. Mais nous sommes aujourd’hui presque dans l’impasse.
C’est pourquoi, j’en appelle aux patriotes et aux démocrates pour se saisir de cette question vitale pour la démocratie et pour l’avenir de la paix dans notre pays. Le vote bénéficie aux partis politiques, mais ce sont les citoyens qui l’exercent et qui, in fine, en subissent les conséquences, surtout quand les élections ne génèrent pas la paix.
Je voudrais, en considérant tout ce qui précède, entamer dans les jours avenir, avec des personnes ressources, les consultations nécessaires à sauver la CENI. Il faut que la CENI reste et demeure en dehors des tumultes politiques. Cette préoccupation ne peut pas trouver solution en interne, puisque elle est alimentée et téléguidée de dehors.
Chacun doit assumer ses responsabilités. Après cette étape je convoquerai une plénière des commissaires. Parce que, je le répète, sur l’ensemble des reformes proposées, aucun commissaire, et les procès-verbaux sont là pour l’attester, n’a jamais élevé d’objection. Pourtant, ensemble, nous y avons travaillé collégialement de décembre 2016 à mai 2018.
Quand les contradictions ont commencé à s’exacerber entre les acteurs politiques, à partir de juin 2018, les tumultes ont commencé à la CENI.
Nous avons hérité, malgré nous, des problèmes du dehors que les digues de nos serments n’ont pas suffi à arrêter.
Devant Dieu, devant le peuple et devant l’histoire, nous avons une responsabilité. Je suis déterminé à jouer pleinement la mienne.
Vive la CENI
Vive la démocratie !
Qu’ALLAH bénisse notre chère patrie, le Burkina Faso
Je vous remercie
Newton Ahmed BARRY
Président de la CENI