Suspendu le week-end dernier, suite au décès de Me Mamadou Keita, avocat du Colonel Mamadou Bamba, le procès du putsch de septembre 2015 a repris ce lundi, 27 août 2018. C’est le sergent Souleymane Koné, qui était le premier à passer à la barre. Il est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, et coups et blessures. Souleymane Koné a plaidé non-coupable.
Né le 09 novembre 1988 à Bobo-Dioulasso, le sergent Souleymane Koné avait 28 ans au moment de son audition pour ce dossier du putsch de septembre.
Présent à la barre pour répondre de trois chefs d’accusation, il dit ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés. Ainsi, le tribunal l’a entendu sur son agenda durant les événements du putsch.
Le sergent Souleymane Koné a indiqué être, le 16 septembre 2015, chez lui lorsque le lieutenant Daouda Koné l’a appelé pour un rassemblement au camp Naaba Koom II. Sans un autre motif précis, Souleymane Koné s’est exécuté.
A son arrivée, il dit avoir aperçu plusieurs véhicules garés et des éléments attroupés. A la question de savoir ce qu’il se passait, on lui a répondu que « le quartier est consigné ». M. Koné a, selon son récit, décidé d’aller au bureau du lieutenant Daouda Koné pour l’informer de sa venue, mais il ne l’avait pas trouvé. Chemin retour, il a rencontré le caporal Issaka Ouoba, avec qui, il a causé.
Tout à coup, un sergent-chef, dont il ignore le nom, est venu avec un véhicule pick-up et les a instruits d’embarquer. Trouvant la scène louche, Souleymane Koné a indiqué qu’il a informé ce supérieur que le quartier est consigné. « Héyi, embarquez ! », a répliqué le sergent-chef, inconnu de Souleymane Koné. C’est ainsi que le caporal Ouoba, le sergent Koné et « les autres ont embarqué ».
Au poste de contrôle devant le camp Naaba Koom II, le caporal Issaka Ouoba est descendu, parce qu’il devrait assurer la garde, a confié l’accusé. Le véhicule a ainsi continué à la présidence. A l’entrée de Kosyam, l’accusé a fait savoir qu’ils ont tourné à droite, puis leur véhicule s’est arrêté à côté d’une maison.
Le sergent-chef aurait demandé à un d’entre eux de descendre. Le sergent Souleymane Koné a indiqué qu’il s’est proposé lui-même. Ayant entré dans cette maison, il a trouvé un autre élément, qu’à la suite des présentations, était sergent Lompo. Ce dernier n’a pas été notifié de la venue de Souleymane Koné.
Le lendemain, 17 septembre, tôt dans la matinée, l’accusé a fait comprendre qu’il a envoyé un message texte à son chef d’unité pour lui expliquer dans quel contexte, il se retrouve à la présidence. Aussi, poursuit-il, l’autre objectif était de l’informer de son absence qu’il va constater lors du rassemblement de 7 heures du matin. « Y a pas de problème », a répondu son chef, à en croire le sergent Souleymane Koné.
A la question du président du tribunal de savoir, si l’accusé a constaté quelque chose de particulier dans cette maison où il gardait, Souleymane Koné a indiqué qu’il n’y avait vu rien de particulier. Et de préciser qu’il a passé quatre à cinq jours dans cette maison.
« Franchement… tout le monde était dépassé »
Selon le récit de l’accusé, c’est par le biais de son téléphone-portable qu’il recevait les informations. A la question du président du tribunal de savoir, à quel moment a-t-il su que les autorités de la Transition étaient arrêtées, il a dit ne pas savoir. Idem pour l’arrivée des médiateurs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le communiqué du Chef d’Etat-major général des armées (CEMGA) demandant aux putschistes de se rendre.
Le sergent Souleymane Koné a signifié que durant son séjour dans cette maison au sein de la présidence, il n’a pas effectué de patrouille ni une quelconque mission en dehors de son poste.
Un autre aspect durant les échanges, l’accusé a fait savoir que c’est la deuxième fois qu’il met pied à Kosyam, car la première occasion, c’était lors d’une cérémonie au temps de l’ancien président, Blaise Compaoré. Sur ce point, le substitut du procureur, Mamadou Traoré, relance l’accusé pour comprendre pourquoi a-t-il été programmé sur un terrain qu’il ne maîtrisait pas. « Franchement monsieur le parquet, si moi-même je pouvais poser cette question, ça allait me plaire », a répondu l’accusé.
Toujours pour comprendre la situation, Mamadou Traoré a demandé au sergent Koné si celui qui l’avait emmené à Kosyam faisait partie de son groupement d’unité. L’accusé a répondu tout simplement « Négatif ». Au regard de tout cela, le substitut du procureur demande alors à Souleymane Koné s’il ne s’est pas posé de question. « Franchement, je n’ai pas demandé cela, car tout le monde était dépassé », lâche-t-il.
Incohérences entre les procès-verbaux et l’audition à la barre
Durant sa mission à la présidence, l’accusé a indiqué au procureur Mamadou Traoré qu’il n’a pas vu de mouvement de véhicules, pourtant, il se trouve que lors de son interrogatoire au fond, Souleymane Koné a dit au juge qu’il a aperçu des véhicules à plusieurs reprises où il a pu identifier le sergent-chef Roger Koussoubé.
A la barre, l’accusé a fait savoir qu’il a appelé son binôme Koulidjati, dès le lendemain de son arrivée à Kosyam. Ce dernier venait de temps à autre pour causer avec lui. Or, il se trouve que dans le procès-verbal de Koulidjati, il ressort que c’est le sergent Souleymane Koné qui « partait à son pied-à-terre pour causer avec lui ».
Mais qu’est-ce qui pourrait justifier toutes ces oppositions ? L’on retient que l’accusé Koné, d’après les échanges, n’a pas pris le soin de s’imprégner des procès-verbaux avant d’apposer sa signature. Et selon son avocat, Me Seydou Roger Yamba, le principe de « nul n’est censé ignoré la loi » doit s’appliquer avec réserve, car son client ne savait pas qu’il pouvait contester un procès-verbal avant la signature.
Du côté du parquet, le président Alioun Zanré a indiqué que ces incohérences s’expliquent par le fait que l’accusé savait abondamment ce qui se passait et son comportement s’assimile à la complicité. Par conséquent, le Parquet estime qu’il est comptable.
Pour Me Seydou Roger Yamba, le plus important dans cette affaire, c’est que son client a appelé son supérieur hiérarchique pour lui rendre compte de sa situation. La question que le tribunal devrait se poser est plutôt qu’est-ce que son chef a fait pour lui sortir de là, a-t-il estimé. Et de poursuivre que la complicité, c’est lorsque l’acte commis contribue à une infraction, or, il se trouve que son client était à son poste durant les événements.
Avant de regagner sa place, le sergent Souleymane Koné a pris la parole en ces termes : « Je salue la mémoire des disparus, que leur âme repose en paix et je souhaite bon rétablissement aux blessés ».
Après lui, c’est au tour de lieutenant Boureima Zagré d’être appelé à la barre.
Cryspin Masneang Laoundiki
LeFaso.net